La blogosphère a changé la manière de penser des consommateurs et les grandes marques ont compris grâce à nous qu’elles ne savaient pas s’adresser aux consommateurs.
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Le blogging, parlez-nous en …
Je me suis lancée dans le blogging en 2007. C’était la naissance des premiers blogs modes, beauté, culinaire, lifestyle, cinéma et beaucoup d’autres domaines. Le seul but était la passion, le partage. C’était un hobby. Concernant mon blog beauté en plus d’être quelque chose qui m’animait, il avait aussi une autre dimension, car parler de beauté noire à cette époque c’était nouveau. A travers cet espace où je me connectais de la maison, je partageais mes découvertes beauté et ma vision de la beauté noire. J’ai fait partie d’une génération où lorsqu’on était adolescente ou adulte, on ne trouvait aucun magazine mainstream qui mettait les femmes noires en avant ou qui parlait de leur problématique beauté. C’est comme si nous étions des consommatrices invisibles dans cette société françaises. C’est en effectuant mes premiers voyages à NYC ou Londres, que j’ai vu le fossé qui nous séparait des pays anglophones en matière de marketing pour les femmes noires.
Mes objectifs de base et ceux d’aujourd’hui restent les mêmes, c’est à dire faire la promotion des femmes noires à travers leur lifestyle, réussite, beauté et surtout l’affirmation et acceptation de soi. La seule différence aujourd’hui c’est que je gagne entièrement ma vie grâce à ma passion.
2.Vous gérez un blog, vous rédigez des articles, en quoi vous considérez comme différente d’une journaliste de profession ?
3. Vous faites à travers vos articles la promotion de certains produits, êtes-vous payée pour cela ?
Il m’arrive de faire ce qu’on appelle des billets sponsorisés où la marque me paie pour faire la promotion d’un produit qui va sortir. Encore une fois c’est moi qui décide d’en parler ou pas. Si c’est une marque dont je connais l’ADN de l’entreprise, et que j’ai l’habitude d’utiliser certains de leurs produits et que c’est une très belle marque, j’accepte parce que je sais que le produit est bien et que mes lectrices ne seront pas déçues. Pourquoi devrai_je avoir honte d’être payée pour faire la promotion de grandes marques dont je parlais il y’a des années gratuitement?
Après tout les magazines ou grands médias font payer des parutions, sorties produits ou pub sur leur support, pourquoi le blogger ne pourrait pas en faire autant. Surtout que je fais du consulting auprès de certaines grandes marques US et FR donc je connais très bien les budgets alloués au pub et marketing. Business is business, il faut pas en avoir honte.
Vous savez, les lecteurs ne sont pas dupes, surtout ceux qui nous suivent depuis très longtemps. Et prendre le risque de parler d’un produit juste parce qu’on a été payé et qu’au bout du compte il s’avère être une arnaque, c’est la crédibilité du bloggueur qui va en prendre un coup.
Alors la légende qui veut que le bloggeur soit un pantin à la solde des marques je la refuse. Car si on est une bonne business woman et qu’on a un ton et propos, croyez moi, ce sont les marques qui vous écoutent. Il m’est arrivé de refuser des sommes astronomiques à 4 chiffres juste pour un article, car je n’aimais pas la marque ou le produit.
4. Quels sont vos critères de sélection ?
Avant tout ces marques doivent me séduire en tant que consommatrice et s’adresser à un large panel de consommatrices noires.
5. Pensez-vous que l’intérêt porté par les marques pour les blogueuses dénatures votre action ?
Non du tout bien au contraire, la blogosphère a changé la manière de penser des consommateurs et les grandes marques ont compris grâce à nous qu’ils ne savaient pas s’adresser aux consommateurs. Nous sommes prescripteurs de tendance alors il faut s’en servir comme une arme également. Par cela je veux dire que lorsque je suis dans une réunion avec une marque, je n’hésite pas à leur dire ce qu’il faut faire et comment. Il ne faut pas avoir peur de taper du doigt, car le respect se gagne lorsqu’on est sur de soi et ses convictions. Allier business et passion c’est possible. En France nous sommes encore en retard malheureusement.
6. Quels sont vos conseils pour faire d’un blog un réel business qui marche ?
Derrière un bon business et la réussite, il y’a la passion. Souvent je vois sur le net des articles qui promettent de vous dire comment réussir pour être un bloggeur connu et qui gagnera de l’argent. S’il y’avait une méthode scolaire , tout les bloggeurs seraient millionnaire comme Chiara Ferragni. On ne décide pas de faire de son blog un business d’un coup de baguette magique. J’aimerai qu’on arrête de vendre de la poudre d’escampette à ce sujet. Il serait bien de parler de patience, d’une réelle envie de partage. La plupart des bloggeurs connus ou qui vivent de leur médias ne l’ont pas décidé, ils ont pour beaucoup créer leur blog à une époque où les gens ne comprenaient pas qu’on puisse se mettre à nue à travers des photos et des mots sur des espaces. Internet a permis à des gens qui habitent à l’autre bout du monde de se connecter et découvrir d’autres horizons. Blogger c’est toucher des gens à l’infini. Le seul conseil que je pourrai donner à quelqu’un qui débute dans la blogosphère c’est de cultiver sa différence, de rester soi même pour se démarquer de tout ce qui existe déjà. Il y’a tellement de blogs que sortir du lot ou en vivre n’est pas à la portée de tous. Il faut être animé et aimer ce que l’on fait.
7. Les blogueuses travaillent également beaucoup sur YouTube, quels sont les avantages de cette plateforme ?
Les avantages de cette plateforme c’est qu’elle est très regardée et innovante. La télé vieillissante, elle ennuie de nombreuses personnes car on y trouve rien d’interessant en terme de mode, beauté et culinaire ou autres. Certaines chaines youtubes sont de véritables émissions TV. Les gens aiment visionner les vidéos et voir de belles choses faciles à reproduire et dites avec simplicité. Avoir un blog et une chaine est une belle complémentarité.
8. Par quelle marque avez-vous déjà été approchée et quel était précisément votre rôle dans la promotion de leurs produits ?
Je travaille avec des marques qui font appel à moi pour du consulting en branding, sortie produits ,élaboration de pub. Je leur dis comment communiquer, quelles sont les fautes qu’elles commettent, je les acompagne dans le processus de l’élaboration à la naissance du produit. Je fais également en sorte de leur donner les CV que des jeunes femmes noires m’envoient car nombreuses sont des étudiantes en marketing, chef de projet ou community manager. Et je trouve qu’il manque cruellement de diversité dans les rédactions de magazines ou marques. Ces femmes qui vivent les mêmes difficultés que moi seraient la clé du succès de ces entreprises lorsqu’elles s’adressent aux femmes noires et metissées. On ne peut pas parler à une population sans l’intégrer à son entreprise.
9. Ces actions sont-elles toujours rémunérées ? Si oui, à combien ?
Comme je dis souvent, je ne travaille pas pour la gloire, alors oui tout travail et expertise mérité salaire. Ne soyons pas hypocrite, qu’une marque soit africaine,européenne, asiatique ou américaine, son but premier est de faire du chiffre d’affaire. Je suis toujours payée pour le consulting. Ensuite selon la taille et la renommée de l’entreprise ça peut aller jusqu’a 2500 euros, les one shot sont très bien payés.
10. Au final, cet intérêt pour la femme noire est-il une évolution positive dans la perception sociale ou uniquement un impératif commercial ?
Pour moi c’est les deux. Là encore ne soyons pas dupes, que ce soit pour la blonde ou la brune c’est aussi du marketing. On pense que les marques se sont interessées aux femmes noires récemment, mais c’est faux. Les marques élaborent leur stratégie marketing des années à l’avance. Le problème en France c’est que ceux qui tiennent les rênes du monde de la beauté sont de la vieille école avec une mentalité parfois colonialiste. Ensuite qu’on le veuille ou non la télé, les magazines, les publicités font partis intégrantes de nos mode de vie donc sociale. Chaque famille a une TV chez elle, et la télé est la vitrine sociale de notre monde. Si je ne vois pas de personnes non blanches dans mon tube cathodique alors que les rues représentent un grand brassage culturelle, c’est qu’il y’a un véritable problème sociétale. Donc il est impératif que toutes les beautés et personnes faisant parties de cette société soient représentées dans nos médias. La représentation joue beaucoup dans l’estime et la confiance en soi.
11. Pensez-vous faire du blogging toute votre vie ?
Très bonne question, je pense que Blackbeautybag sera toujours là mais sous une autre forme.
12. Comment cette activité est-elle perçue par votre entourage ?
Très bien perçue, les premières personnes a m’encourager depuis le début ont été mes parents et mes soeurs et frères et amis. Je ne leur ai jamais rien caché, c’est une grand bonheur de pouvoir faire ce que l’on aime aux yeux des gens qui comptent pour nous, et ils sont très fiers de ce que je fais.
13. Dans la société actuelle, est-ce une activité valorisante et reconnue ?
Dans la société française, cela a pris du temps alors que dans les pays anglophone le milieu du blogging a été très vite respecté et profesionnalisé. Aujourd’hui dire que l’on est blogger en France et qu’on en vit, il faut l’expliquer voir justifier (lol). Mais je vois les changements, car lorsqu’il y’a des polémiques et qu’on prend le parti de s’exprimer et informer nos lecteurs, nos voix sont entendues.
14. Revenons à la femme africaine, comment décrirez-vous son affirmation au sein de la société occidentale actuelle ?
C’est un travail de longue haleine mais le changement est là et je le vois à travers des événements qui se créent, le port du cheveu crépu depuis une dizaine d’années en France aussi. Pour moi la femme africaine et je dirai même la femme noire et française, n’est plus celle qui se contentait d’être invisible dans la masse. Elle s’exprime, elle s’affirme et c’est fantastique parce que toutes ces femmes qui réussissent professionnellement dans leur vie privée sont des exemples pour toutes ces petites filles noires à qui on a dit depuis trop longtemps que leur couleur de peau était un handicap.
A vos lecteurs, D’ou qu’ils me lisent je leur envoie une multitude d’ondes positives et j’aimerai qu’ils se disent que dans la vie pour attirer les bonnes choses il faut croire en soi et aller jusqu’au bout de ce qui nous anime.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR GAËLLE ONANA