MOMENT CULT
est une revue culturelle animée par Sarah Ndengue qui revient sur ses coups de coeur !
J’ai regardé : « Le temps des égarés » par Virginie Sauveur (Virage Nord), « une fable contemporaine sur fond de crise migratoire, avec pour héroïne une traductrice cynique, incarnée par l’intense Claudia Tagbo »
Syra est une traductrice de l’OFPRA qui se considère comme la meilleure, car avec elle , l’obtention du statut de réfugié est presque « satisfait ou remboursé ». En effet, cette traductrice sans scrupule n’hésite pas à inventer aux migrants des histoires juste assez malheureuses pour être crédibles auprès de l’OFPRA, et faciliter l’obtention d’un statut de réfugié. Seulement, ses services elle les monnaie, et à prix d’or.
Si vous aimez le cynisme, les personnages froids et antipathiques, ce téléfilm est fait pour vous. Mais il ne s’agit pas ici d’un cynisme gratuit et aveugle, puisqu’il est fait à dessein et permet de confronter des réalités assez différentes. D’un côté on a des migrants vulnérables qui se retrouvent dans des situations parfois dramatiques, et pour qui le salut dépend entièrement de cette traductrice, et de l’autre, une femme pour qui le mot compassion ne signifie pas grand chose, et dont le principal objectif est de gagner de l’argent. Mais tout au long du téléfilm, les deux parties vont se côtoyer, se familiariser, l’une à l’autre, et les histoires finiront par se faire écho jusqu’ à ce que les combats se confondent et que les lignes bougent.
Ce téléfilm est intéressant car il traite de la question de la crise migratoire à travers un prisme qui n’est ni celui de la bien-pensance, ni celui de l’hystérisme ambiant. Le seul angle de vue ici est le réalisme, voire le pragmatisme. En effet on peut y voir les différents problèmes que pose la procédure de demande d’asile, qu’ils soient administratifs ou judiciaires, ou encore la rigidité ou la souplesse dont fait parfois preuve le personnel en charge des dossiers de demande d’asile. Mais ce téléfilm pose avant tout la question de savoir comment est ce qu’ on attribue le statut de réfugié et à qui l’attribue-t-on vraiment ? Une question délicate dont l’actualité est brûlante, mais qui a su être posée à travers une œuvre dont la force fait du bien. En effet, c’est loin de l’hystérie habituelle que ce téléfilm invite à réfléchir. Néanmoins, les émotions n’en sont pas moins occultées. C’est une œuvre dans laquelle l’on plonge pour s’amuser de certains clichés, peut-être s’enticher de certains personnages, et certainement s’inquiéter de certaines histoires, sans que jamais l’on ne tombe dans la facilité du scénario.
On connaissait Claudia Tagbo en humoriste, en actrice également, mais jamais dans ce registre. C’est une agréable surprise et on a hâte de la retrouver dans plus de rôles similaires.
J’ai écouté : « Chapter One », le premier album de Kimberose chez Six et Sept.
Alors que j’étais recroquevillée sur mon canapé un samedi soir banal, et que je m’apprêtais à regarder ONPC tout en me plaignant du casting gaucho-caviariste des invités, des questions interminables de Christine Angot, et de l’intellectualisme souvent trop surfait de Yann Moix, quelle ne fut pas ma surprise quand je compris que de cette soirée émergerait finalement quelque chose de bon. En effet, une jeune fille attira mon attention. D’abord par sa discrétion, ensuite par le timbre de sa voix. Si sa première prestation ne me laissa pas indifférente, Elle ne me conquis pas non plus outre mesure et ne me poussa pas à me ruer sur l’objet connecté le plus proche afin de découvrir sa discographie. Chose que J’aurais dû faire. D’autant plus que quelques jours plus tard au hasard d’une écoute, je retombai sur ce timbre vocal si spécial que cette fois-ci un frisson s’empara de moi.
Elle c’est Kimberose, elle a 26 ans et un avenir musical radieux qui semble lui sourire. Quand on lui demande qui sont ses modèles ? elle répond Billie Holliday, Nina Simone, Etta James…Rien que ça. Et ce n’est absolument pas exagéré que de dire que cette jeune femme au timbre de voix grave, suave, mais aussi chaleureux et pénétrant s’inscrit déjà dans la lignée de ses modèles. Son album « Chapter One » est un concentré de soul à l’arôme moderne dont on a envie de s’abreuver jusqu’à plus soif. À la manière des plus grands de la soul music, ses chansons ne sont pas que des paroles sur une mélodie, mais des histoires qu’on a envie d’écouter parce qu’elle sait nous les raconter. Sa voix envoûtante donne envie de se laisser bercer par les émotions qu’elle véhicule. Cet album fait partie des albums qu’on écoute le samedi à 10H « pour la science » , et qu’on se retrouve encore à écouter à 18H. Onze chansons délicieuses à ajouter à sa playlist pour notre plus grand bonheur et pour l’amour de la soul. Mes coups de cœurs sont « I’m broke » « Reason » « Needed you » « I’m a fool » « Strong woman ». Ce n’est que le premier chapitre mais il en dit déjà long sur le talent de cette future diva de la soul.
J’ai lu : « Petit Pays » de Gael Faye chez Grasset
« Au temps d’avant, avant tout ça, avant ce que je vais raconter et le reste, c’était le bonheur, la vie sans se l’expliquer. Si l’on me demandait » Comment ça va, » je répondais toujours » ça va! ». Du tac au tac. Le bonheur, ça t’ évite de réfléchir. C’est par la suite que je me suis mis à considérer la question. À esquiver, à opiner vaguement du chef. D’ailleurs, tout le pays s’y était mis. Les gens ne répondaient plus que par » Ça va un peu ». Parce que la vie ne pouvait plus aller complètement bien après tout ce qui nous était arrivé. » G.F «
Ce livre c’est l’histoire d’un jeune garçon et sa bande de potes qui grandissent au Burundi. D’abord dans l’insouciance qu’on connaît à la jeunesse, et par la suite dans l’inquiétude et l’angoisse qui peuvent hanter la vie de tout jeune qui voit son « petit pays » se déchirer, ses amis perdre la vie, et les coins où jadis ils faisait bon vivre devenir le théâtre d’une violence sans nom.
La réalité qui accompagne ce livre est touchante de douleur, mais c’est aussi un livre qui invite à ne jamais banaliser la paix. Car une fois la guerre survenue, elle nous métamorphose. Elle laisse exploser les parties les plus crasses de nos âmes, nos instincts les plus grégaires et primaires. Un ami est très vite devenu un ennemi et un voisin notre assassin. La guerre a ceci de commun avec l’amour qu’elle n’épargne ni enfants ni vieillards, sa violence est intergénérationnelle. Il est dès lors important de toujours rester alerte et de ne jamais rien céder aux idéologies qui encouragent à la destruction de l’autre qui finalement est une destruction de soi.