MOMENT CULT : est une revue culturelle animée par Sarah Ndengue qui revient sur ses coups de coeur !
J’ai regardé
1.« FIRST THEY KILLED MY FATHER » – directed by Angelina Jolie
Le Cambodge des années 70 fait face à une situation politique instable. En avril 1975 les Khmers rouges qui se battent alors contre l’armée gouvernementale entrent dans la ville de Phnom Penh et de nombreuses familles sont alors contraintes de quitter la ville et de se réfugier dans les campagnes alentours. La famille de Loung Ung fait partie de ces familles qui ont dû tout abandonner pour sauver leur vie. Seulement sauver sa vie à quel prix ? Au moment où Loung ung quitte Phnom Penh avec ses frères et sœurs, sa mère et son père, elle n’est qu’un enfant qui comprend bien que quelque chose d’anormal est en train de se produire mais a du mal à le déchiffrer. Les familles qui quittent Phnom Penh se réfugient dans les campagnes voisines, mais il s’avère que ces campagnes sont aussi sous l’autorité des Khmers rouges qui les tiennent d’une main de fer. Et alors que les habitants pensent trouver en ces lieux un peu de tranquillité ou du moins un bout de paix, ils se trouvent qu’à leur insu ils intègrent des camps de travail. S’en suivent alors travail forcé, répression violente et cruauté aveugle et indicible.
L’intérêt du film réside dans le fait que toute cette histoire est racontée à travers les yeux de Loung Ung qui n’est encore qu’un enfant. Dans un film où les dialogues ne sont que très peu présents, on a l’impression de vérifier la maxime « Les grandes douleurs sont muettes ». Angélina Jolie à travers ce film a su aborder un sujet qui jusqu’à présent reste douloureux. Mais surtout, elle a su mettre en scène une histoire vraie tout en lui restant fidèle, puisque c’est toujours à travers le regard d’un enfant qu’on assiste à ce sombre spectacle. Un regard qui évidemment n’est pas neutre puisqu’il décuple l’atrocité de la guerre et sa cruelle réalité.
2. « THE BEASTS OF NO NATION »
« The beasts of no nation » raconte l’histoire d’un jeune garçon séparé de sa famille et embrigadé dans une armée irrégulière et sanguinaire au moment où son pays est en proie à une guerre civile des plus barbares. Agu qui jusqu’ à son embrigadement menait une vie d’enfant des plus normales, devient un enfant soldat, et sous les ordres de celui qu’on appelle « le commandant » ,se retrouve en train de commettre le pire.
Ce film est d’une violence profonde, bien que le scénario de l’enfant et de la guerre ait été visitée à maintes reprises, imprimant peut-être ainsi en nous un certain nombre d’aprioris sur ce genre de film, ici il se pourrait qu’on entame le film avec ces aprioris, mais pour le plaisir du spectateur, ceux-ci sont très vite balayés, laissant place à un scénario à bien des égards surprenant. « The Beasts of no nation » c’est aussi l’histoire d’un voyage initiatique. Celui d’un enfant qui fait non seulement une entrée brusque et fracassante dans le monde adulte mais en plus se retrouve directement confronté aux facettes les plus sombres de l’humanité. De plus, pour lui il ne s’agit pas seulement d’observer la monstruosité humaine, mais d’y prendre part de manière active.
Ces deux films sont chacun à leur manière une confrontation entre l’enfant et la guerre. Dans le cas de « First They Killed my father», Loung Ung est une victime qui subie la guerre et de ce fait se retrouve dans une situation de totale impuissance. Dans le cas de « The beasts of no nation », Agu est certes du côté des oppresseurs, de ceux qui tuent et font souffrir, mais il se trouve que tout n’est pas aussi manichéen car Agu est lui aussi une victime. En effet, ce film à juste titre soulève la question de la responsabilité d’un enfant face à certaines situations, qui plus est quand il s’agit d’un enfant soldat. Toujours est-il que ces deux films restent certes très violents, mais aussi assez magnifiques pour qu’au delà de cette violence on puisse s’interroger sur un certain nombre de sujets dont l’importance au vue de la situation géopolitique actuelle, ne fera que s’accroître. Notamment le sujet qui est celui de savoir comment réintégrer à la société des enfants qui ont été victimes de guerre du fait de ce qu’ils ont subi ou du fait de ce qu’ils ont commis. On a donc ici deux films qui bousculent émotionnellement et intellectuellement. Deux films dont l’enjeu de réflexion à une portée sociale, sociétale, et philosophique, puisqu’il s’agit de savoir si certains événements dépossèdent irrémédiablement des enfants de leur essence. Si oui que reste-t-il ?
J‘ai assisté
Livre Sur La Place
Le livre sur la Place est l’événement littéraire qui inaugure chaque année la rentrée littéraire. Il se tient en début septembre à Nancy, et cette année c’est non loin de la magnifique Place Stanislas qu’a été annoncée la liste des auteurs retenus pour le prix Goncourt. Cette 40ème édition présidée par l’ensemble des membres de l’Académie Goncourt a été l’occasion une fois de plus de raviver la flamme culturelle déjà présente à Nancy. Une flamme qui n’a pas manqué de réchauffer le cœur des amoureux des livres. Avec des invités prestigieux, les nancéiens ont donc été ravis de participer à ce week-end inoubliable qui a débuté avec un hommage touchant à Jean d’Ormesson, à travers une série de textes lus par Alice Taglioni et choisis par l’épouse et la fille de Jean d’Ormesson. S’en sont suivis de nombreux entretiens avec des auteurs que l’on ne présente plus :Salman Rushdie, Bernard Pivot, Claire Chazal, Eric-Emmanuel Schmitt, Marc Levy le grand Alain Duhamel et bien d’autres. C’est donc dans une effervescence perceptible à travers les foules que drainait cette rencontre, qu’auteurs et lecteurs ont pris plaisir à échanger le temps d’un weekend autour de leur amour commun pour les livres.
Comme tout événement, les temps forts sont certes relatifs à chacun, mais il est des prises de position qui ravissent tout le monde. On peut donc légitimement mettre en exergue la conversation entre Dany Lafférière et Alain Mabanckou. Une conversation marquée par une complicité et une bienveillance naturelles entre les auteurs et le public. De la même manière, il est impossible d’oublier la « carte blanche » de Virginie Despentes à l’Autre Canal. Une fois de plus, un public impatient et ravi d’avoir eu l’honneur d’assister à ce moment. Entre l’auteur Cara Zina qui a su mettre en scène des passages de son roman « Handigang » et la lecture musicale de Philippe Jaenada accompagné en musique par Emily Loizeau, le régal était au rendez-vous. Pour finir, Comment parler des grands moments de cet événement sans évoquer d’une part, les nombreux entretiens menés par le journaliste Christophe Ono-dit-biot, dont celui avec l’auteur Kouamé prix Livre et Droits de l’Homme ; et d’autre part ce moment formidable où sur la scène de l’Opéra de Nancy, les membres de l’Académie Goncourt ont pris plaisir à lire des textes des académiciens qui les ont précédés.
Vous l’aurez compris, s’il est un rendez-vous littéraire annuel à ne pas manquer, c’est assurément Le Livre Sur La Place, et vu l’ampleur et l’écho plus que favorable qu’a reçu l’événement cette année, on a hâte d’être à Nancy en septembre 2019.