Si je vous dis Fondation Louis Vuitton vous pensez peut-être à un regroupement de cols roulés, d’écharpe en cachemire et de vestes en tweed aux couleurs flashy. Or, la fondation Louis Vuitton dont je compte vous parler ici est celle des converses, des jeans destroys et de quelques cols roulés et vestes en tweed. C’est la fondation Louis Vuitton qui expose une centaine d’œuvres d’un des artistes peintres les plus importants du XXème siècle-Jean-Michel Basquiat. Si normalement la simple évocation de ce nom peut suffire à dissiper quelques doutes sur notre connaissance de la peinture du XXème siècle lors d’une discussion, pouvant ainsi nous donner un air de droite mais assez ouvert pour lire, écouter et regarder Télérama /Les Inrocks/Inter/Fip/Arte et autres symboles culturels qu’on associe généralement aux bourgeois-bohèmes ; parler de Basquiat peut aussi rendre le temps plus court quand on est face à cet ami qui se dit puriste ou underground et sort des phrases aussi caricaturales que « Non mais tu sais, je préfère le vinyle parce que tu vois, le son est certes plus brouillé mais plus authentique ».
Basquiat voit le jour en 1960 dans le vivier culturel qu’est New-York, plus précisément dans le quartier de Brooklyn qu’on ne présente plus sur la scène culturelle tant le nombre de talents issus de ce quartier est important. Si à ses débuts il s’empare et investit les rues de sa ville sur lesquelles il laisse ses traces à coups de graffitis, aujourd’hui c’est sur sa collection impressionnante de tableaux que l’on peut admirer son empreinte désormais indélébile.
Les œuvres de Basquiat ont ceci de fabuleuses que d’une part elles racontent un temps, celui de l’artiste, mais d’autre part sont également intemporelles car elles nous disent quelque chose d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Ce voyage en plus d’être temporel, s’avère également délicieusement sensoriel car il reflète l’incroyable culture de leur auteur. Ce qui inspire Basquiat ce sont les arts primitifs, la Renaissance italienne, et surtout la culture afro-américaine. D’ailleurs il n’hésite pas à reprendre le vocabulaire argotique propre à cette communauté, y compris quand il signe ses œuvres par « SAMO » au début de sa carrière. De la même manière, on n’est pas étonné de découvrir de nombreuses références au hip-hop ou encore de nombreux hommages à de grands jazz-men tels que Charlie Parker, Nat-King Cole, Miles Davis ou encore Dizzy Gillepsie.
Mais Basquiat ne fait pas que s’inspirer de la culture afro-américaine, il prête également attention aux combats de cette communauté et n’hésite pas d’une part à dénoncer les injustices qu’elle a subies ou subit encore, notamment à travers les tableaux (Slave Action, 1982) (Irony of Negro Policeman, 1981) (Hollywood Africans in front of the chinese theatre, 1983) ; et d’autre part à dépeindre cette communauté comme courageuse, vaillante etc.Mais au-delà de la dénonciation des injustices subies par la communauté afro-américaine, l’œuvre de Basquiat est une œuvre engagée qui dénonce les tares de l’Amérique, notamment la société de consommation, et invite chacun à mener une réflexion sur le monde dans lequel on vit. Cependant, les couleurs vives souvent présentes sur ses tableaux et la diversité des matériaux choisis qu’il s’agisse de toile, de porte en bois, ou d’autres matières triviales contrastent avec le message percutant que véhicule son œuvre tout en lui apportant un peu de légèreté.
L’exposition « Basquiat » est également l’occasion de contempler les œuvres que l’artiste a faites en collaboration avec Andy Warhol qui fut un de ses modèles et une icône de la peinture, et rien que pour cela, elle vaut le coup d’œil.
Pour finir, cette expo est un voyage visuel durant lequel on est saisi par la fulgurance du talent de Basquiat, cet artiste avant-gardiste et populaire dont la vie est comparable à une étoile filante tant dans l’éclat que dans la durée. Cette expo est aussi l’occasion de questionner le sens d’une œuvre. Son intérêt réside-t-il toujours dans ce qu’elle transmet, ce qu’elle suggère ? Ou dans la personnalité de son auteur ? Toujours est-il que l’on ne ressort pas de cette expo comme on y est entré, et une fois sortie on a envie d’en savoir plus. Une fois de plus, pari réussi pour la fondation Louis Vuitton.
Sarah dit : « Un choc visuel, une expo forte et sublime. »
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