En 2017, notre BWOI a été désignée « Communication Leader for Africa ». Maman, Working Girl et Directrice de la Marque et de la Communication pour l’Afrique au sein du Groupe OCP, pour Marie-Alix De Putter : « Quand nous sommes conscientes de notre valeur, rien ne peut nous arrêter. Absolument rien ».
Elle a bien raison d’ailleurs !
La communication pour elle c’est comme Obélix et la potion magique, elle est tombée dedans très jeune. Aujourd’hui Directrice de la Marque et de la Communication pour l’Afrique au sein du Groupe OCP, elle se souvient qu’à 14 ans, elle en était déjà passionnée : « Je me souviens avoir créé à 14 ans, un journal hebdomadaire qui était initialement destiné à ma classe de Seconde au lycée d’Elig- Essono (ndlr : Yaoundé/Cameroun), et qui très rapidement fut diffusé jusqu’à la Direction de l’école! (sourire) ». Mais le talent cela ne suffit pas et Marie-Alix l’a bien compris. La recette magique pour elle est une bonne dose de talent doublée de beaucoup de rigueur et de régularité dans le travail.
Dans le milieu de la communication, Marie-Alix le reconnait, il reste encore pas mal de chemin à faire en terme de représentativité de la femme noire. Très peu de femmes noires sont aujourd’hui DirCom au sein de grands groupes en France. Mais elle reste positive ! Une preuve que dans tout, il est possible de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide et qu’une difficulté n’efface en rien une opportunité.
Cette amoureuse du continent africain, à la croisée entre sa culture française et camerounaise, met un point d’honneur à s’ouvrir au monde à travers tout ce qu’elle fait. Elle se définit également comme une africaine consentante et engagée pour qui : « travailler avec et pour l’Afrique n’est pas seulement un choix. C’est un impératif qui s’impose à toute personne qui aime le Continent. Achille Mbembe dit qu’« être africain, c’est lier en toute conscience son sort à celui de l’Afrique et aller à la rencontre du monde ».
Et maintenant place à l’entretien ! Car oui, nous avons échangé avec elle, un magnifique entretien à coeur ouvert, avec cette Working Mom féministe pleine de talents. Lisez plutôt !
En quoi consiste votre travail de communicante ?
Etre communicant.e impose d’être exigeant, rigoureux et stratégique. Il s’agit de mettre en musique les différents métiers de la fonction communication au service de la vision et de la stratégie globale de l’entreprise. Comme tout.e DirCom, il faut faire preuve d’une excellente organisation, savoir piloter des projets complexes, hiérarchiser et établir des priorités, évaluer pour s’améliorer. Il faut savoir écouter et décider, créer de l’adhésion et impliquer les collaborateurs y compris à l’International, conduire le changement avec efficacité, et avoir une très bonne capacité à gérer le stress -car des crises et des badbuzz il y en a tous les jours ! -. Avoir du bon sens et beaucoup humour s’avèrent aussi très utile. Dit autrement, il s’agit pour moi d’apporter des réponses de qualité, à des publics différents, qui aujourd’hui demandent plus de relation et de conversation.
Avez-vous eu des difficultés en tant que femme à trouver votre voie dans ce domaine ?
Les difficultés, il y en a toujours. Les solutions et les opportunités, aussi. Tout dépend du regard que l’on porte sur la vie. La question de mon genre, de la couleur de ma peau (Black is Beautiful AND so Powerful !) ou de mon statut de maman ne me freinent jamais. Je ne doute pas de ma valeur ou de ma compétence, je me sers des difficultés comme des marchepieds pour avancer, j’apprends de mes erreurs, je saisis toutes les opportunités qui se présentent, je travaille dur, très dur, et je fonce !
Vous avez grandi entre la France et le Cameroun, qu’est-ce que chacune de ces deux cultures vous a appris ?
Ma relation avec le Cameroun est douloureuse. Alors que j’étais enceinte de quatre mois, mon époux a été tué dans ce pays qui m’a vu grandir et dans lequel j’ai famille, amis et de nombreux souvenirs. Depuis bientôt six ans, l’enquête n’avance pas. Les meurtriers courent toujours et la justice n’a pas été rendue. « Il y un temps pour chaque chose », celui de la justice arrivera. Nous sommes nombreux à y veiller. Concernant les éléments culturels, je relèverai ici deux points que la France et le Cameroun ont en commun : une forte capacité de résilience et des auteur.e.s extraordinaires !
Le développement de l’Afrique, l’émancipation de la femme … des causes qui vous tiennent à cœur. Comment participez – vous à celles- ci concrètement au quotidien ?
Au-delà de l’indispensable réflexion qui doit précéder toute action, il me semble qu’il est, depuis longtemps déjà, temps d’agir. Qu’il s’agisse de mes activités professionnelles où je porte quotidiennement un narratif éclairé sur l’Afrique, mais aussi dans les choix que je fais comme agent économique, je m’engage. Par ailleurs, comme Chimamanda Ngozi Adichie, je me définis comme « une féministe africaine heureuse qui ne déteste pas les hommes ». Dans le féminisme, les voix sont plurielles. La mienne est prosélyte et pragmatique. J’accompagne au quotidien des jeunes femmes dans le développement de leurs projets personnel et professionnel. Ce temps de mentorship et de sponsoring est très important pour elles et pour moi. Par ailleurs, j’investis aussi dans des projets portés par des femmes. Les « like », c’est bien. Le financement, c’est mieux.
Quelles sont les difficultés que les femmes afro descendantes rencontrent le plus aujourd’hui dans le milieu professionnel ?
Il y en a tellement ! L’auto- censure, les préjugés socio-culturels, les discriminations à l’embauche, la condescendance des pairs, les écarts de salaires, le double plafond de verre et j’en passe. Et pourtant, je pense qu’il est toujours possible de faire quelque chose de ce qui nous arrive. Il nous faut trouver ensemble des solutions, développer une sororité résistante à toute épreuve, abolir définitivement le « syndrome de la reine des abeilles », et avoir une inébranlable confiance en soi/nous. Quand nous sommes conscientes de notre valeur, rien ne peut nous arrêter. Absolument rien.
En guise de conclusion, si vous deviez être porteuse d’un changement majeur en 2018 pour avancer la condition de la femme, lequel serait-il ?
Si nous sommes nombreux à être d’accords qu’aujourd’hui les hommes et les femmes ne sont pas égaux et qu’ils devraient l’être, nous sommes donc ipso facto nombreux, hommes et femmes, à être féministes. Ce qui est une bonne nouvelle. Quand on sait que dans le monde, 70% du travail humain est fait par les femmes, et que seulement 10% de la rémunération leur revient ; quand dans certains pays, malgré leur niveau d’éducation supérieur aux autres groupes d’entrepreuneur.e.s, les femmes noires reçoivent moins de 1% d’investissement des VC ; quand la charge mentale repose encore sur des femmes programmées pour s’occuper à la perfection de leurs foyers où elles sont parfois victimes de violence et de harcèlement ; il nous temps d’oser une société plus juste. Cette Justice sociale passe aussi par l’égalité et une indépendance financière pour les femmes. Dès cette année, je veux promouvoir davantage et encourager – par l’exemple – le rôle actif des femmes investisseuses dans l’économie. Je veux voir les femmes gagner, à travail équivalent, le même salaire que les hommes. Je veux voir plus de femmes obtenir des financements pour leurs projets. Je veux voir plus de femmes lire. Parce que les leaders sont des lecteur.rice.s, j’ai par exemple lancé un défi qui invite à lire 54 écrivaines africaines des 54 pays d’Afrique en 54 semaines. Si aujourd’hui l’argent c’est le pouvoir, depuis toujours, le savoir c’est la puissance. Il est temps de mettre l’un et l’autre entre les mains des femmes.